Il existe des lieux où la nature semble parler une langue ancienne, faite de mouvements, de silences, et de formes esquissées.
La Glueyre est de ceux-là.
Au cœur d'une vallée sauvage de l'Ardèche, cette rivière libre trace son chemin avec force et patience. Ses eaux vert émeraude, vives et imprévisibles, découpent la roche sombre dans un dialogue millénaire.
C’est ici que je suis venu poser mon regard, accompagné de mon père, qui vit dans ce coin reculé, à l'écart du bruit du monde.
Roche et eau : un dialogue de forces
La Glueyre n'est pas un simple filet d'eau.
Elle lutte, elle épouse, elle sculpte.
À travers mon objectif, j’ai voulu capter cette tension permanente :
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L'eau, fluide et libre, bondissant avec éclat.
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La roche, dure et rugueuse, portant les cicatrices de chaque passage.
L’émeraude éclatant de l’eau tranche sur le gris minéral des parois.
Chaque remous semble raconter une lutte, chaque fissure porte la mémoire d’un choc, d’une érosion, d'une danse silencieuse entre la résistance et l'abandon.
Ce jour-là, la Glueyre était particulièrement vivante.
Au départ du Pont de Champlauvier, nous avons croisé quelques kayakistes, glissant sur les rapides, mêlant leur souffle à celui du courant.
La rivière n'est pas seulement une œuvre silencieuse : elle est aussi un terrain de jeu, un espace de liberté pour ceux qui osent s'y aventurer.
Quand l'imaginaire surgit : la vision de l'ours
Plus loin, c’est mon père qui, le premier, a attiré mon attention sur la roche.
Il m’a désigné, du regard, une forme que je n'avais pas encore vue :
un ours.
Un grand corps massif, tourné vers l'amont, semblant remonter la rivière avec calme et détermination.
Son échine se devinait dans les nervures claires de la pierre, sa silhouette figée par le temps.
Comme un témoin immobile, sculpté lentement par l'eau et les ans.
Cette apparition n'était pas anodine.
C’était un symbole : la force tranquille, l'endurance silencieuse, la mémoire ancestrale de ces terres sauvages.
La nature, parfois, révèle ses gardiens à ceux qui savent ralentir et regarder.
"Certains lieux ne se contentent pas d’être regardés. Ils sculptent nos regards, jusqu'à faire émerger l'invisible."
La Glueyre : rivière vivante, rivière sculpteuse
Ce jour-là, j'ai compris que la Glueyre ne se contentait pas de creuser la pierre.
Elle sculpte aussi notre regard, éveille notre imaginaire, nous invite à renouer avec cette part oubliée de nous-mêmes : celle qui sait écouter les formes, lire les signes, dialoguer sans mots.
Entre chaque éclat d'eau, entre chaque strie de roche, une histoire dort.
À nous de la réveiller.
Derniers reflets
Photographier la Glueyre, ce n’était pas seulement capter une rivière.
C’était partager un moment précieux avec mon père, au creux de cette nature intacte.
C’était entrer en conversation avec un lieu vivant, sentir battre son cœur secret, deviner ses anciens récits gravés dans la pierre.
Et peut-être, au détour d'une image, croiser ensemble le regard endormi d'un ours ancien, toujours là, veillant en silence.
Que chacun de nous, un jour, prenne le temps d'écouter ce que les pierres veulent encore nous dire.
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